Un historien à Gaza

 

Écrire, c’est aussi témoigner. Lorsque les discours portés sur une situation donnée sont tels qu’il est difficile de se faire une opinion, rien ne remplace la lecture de textes émanant de personnalités connues pour leurs compétences et leur objectivité.

Le livre de Jean-Pierre Filiu entre dans cette catégorie. Plusieurs ouvrages présentant un grand intérêt ont été publiés ces deux dernières années sur la situation dans le territoire de Gaza. Si celui de Jean-Pierre Filiu est évoqué ici, c’est parce qu’il était sur place entre décembre 2024 et janvier 2025 qu’il était donc à même de pouvoir décrire les événements auxquels il était confronté, recueillir des témoignages et avoir accès plus facilement à des informations diffusées localement.

La table des matières reflète l’objectivité recherchée à partir de sujets concrets : la zone, Noël, les hôpitaux, l’eau, la débrouille, par exemple. Des illustrations : La zone, dite « humanitaire », quelques dizaines de kilomètres carrés où s’entassent un million de déplacés. La Bande de Gaza divisée en 620 blocs sans cohérence, que les familles sont assignées à rejoindre au gré des ordres. La nuit de Noël qui emporte avec elle son lot de bébés morts de froid. Les infrastructures d’assainissement de l’eau détruites dans de larges proportions et le risque d’être tué pour les agents tentant de les réparer. L’organisation d’une aide humanitaire facilitant le pillage, sous l’œil bienveillant des militaires, des quelques camions entrant dans la zone. J’arrête là cette énumération très en deçà de ce que rapporte l’auteur de son séjour. 

Dans chaque chapitre, le regard d’historien de Jean-Pierre Filiu, qui a souvent séjourné à Gaza, ajoute à la description des faits des éléments de contexte qui font appel au passé. Car la violence du climat actuel n’est que la poursuite d’une longue période de négation des personnes vivant en Palestine avant le plan de partage de ce territoire il y a presque 80 ans.

Le récit, publié en mai 2025, s’arrête sur un accord de trêve le 19 janvier 2025. Tout le monde sait aujourd’hui que l’espoir qu’il a pu susciter auprès des Palestiniens décrits par Jean-Pierre Filiu comme heureux de regagner ne serait-ce que les ruines de leur maison, est éteint. Il n’en demeure pas moins un bilan écrit à une date précise, qui sert de témoignage indispensable. Il n’est pas le seul et tous sont essentiels pour connaître et analyser la réalité de la situation dans cette partie du monde.

Pour conclure, permettez moi de soumettre à votre réflexion une citation de Hossam Shabat, extraite du livre de Jean-Pierre Filiu : « Le temps ne se mesure plus en minutes, mais en vies entières de douleur et de larmes. Chaque moment qui passe accentue l’angoisse et la tension de ceux qui se demandent s’ils survivront assez longtemps pour voir le feu cesser. » Hossam Shabat, qui était journaliste, a été tué le 24 mars 2025 dans une frappe revendiquée.

Le livre

Jean-Pierre Filiu, Un historien à Gaza, Paris, Les Arènes, mai 2025, 203 p.